Fat-shaming : tu t’en fous de ma santé, au fond.




Fat-shaming. Expression-clé qui meuble les échanges dans la blogosphère taille plus / fat-acceptance / size-positive / dodue. Pourquoi ? Parce que c’est malheureusement une réalité de la vie des personnes rondes / grosses / taille plus (choisissez le terme qui vous convient!).

Note : je m’excuse à l’avance de l’emploi de nombreux anglicismes. Beaucoup des expressions couramment utilisées en anglais n’ont pas encore de traduction française appropriée…

Le fat-shaming est très souvent destiné aux personnes qui ont choisi de vivre en faisant le choix conscient d’accepter leur taille et leur poids. À celles et ceux qui refusent de disparaître, en attendant de maigrir. Aux personnes qui croient qu’on ne devrait pas avoir à perdre du poids pour être valorisées, appréciées. Ça tombe aussi souvent sur celles qui ont choisi de ne plus s’excuser de leur grosseur et qui vont même jusqu’à vouloir – et demander – que des produits et services littéralement à leur mesure. (Le fat-shaming n’arrive pas qu’à ces personnes, cependant.)


Quelques définitions, avant d’entrer dans le vif du sujet…

FAT-SHAMING
L’action de se moquer ou d’humilier une personne jugée grosse ou en surpoids par l’expression de moqueries ou de critiques sur leur taille.
(Source: Oxford Dictionaries – online)

GROSSOPHOBIE *

Grosso = évidemment, ça vient de « gros ».
Phobie = non, une phobie, c’est pas juste une peur.

Selon le Larousse, une phobie peut être une « aversion très vive pour quelqu’un ». Et une aversion, toujours selon Larousse, c’est un « sentiment d’antipathie violente, voire de répulsion, ressenti par quelqu’un à l’égard d’une personne ou d’une catégorie de personnes ; haine, inimitié ».

La grossophobie n’est pas une peur de l’obésité ou de devenir gros. C’est du rejet, de l’hostilité, de la discrimination envers les gros, exercée de façon active ou passive. Le mot est construit comme d’autres mots en « -phobie » connus et acceptés. Ex. « homophobie » (rejet de l’homosexualité, hostilité systématique à l’égard des homosexuels) ou « xénophobie » (hostilité systématique manifestée à l’égard des étrangers).

* tel que défini dans ce billet


Affectueusement… de la part des fat-shamers et des trolls grossophobes.

  • « Je pense à ta santé, tsé… »
  • « On dit ça parce qu’on tient à toi. »
  • « Mon / ma [mère / frère / ami / cousine] est allé(e) au gym / a fait une diète et ç’a marché. Tu peux faire ça toi aussi ! »

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Ah, je vois. Merci de vous « soucier » de nous. Y’a un terme pour ça : le concern trolling qui se traduirait un peu comme « troller les gens sous prétexte qu’on s’en fait pour eux ».

Maintenant, faudrait qu’on m’explique…

Dans notre monde actuel, dans lequel des gens sont tués pour leurs croyances, leur orientation sexuelle, leur race, leur genre, leurs allégeances politiques… Y’a quelqu’un qui s’en fait pour MA SANTÉ ? Comme toi, l’étranger anonyme ? Toi, qui ne me connaît même pas ?

Bon, vous m’excuserez là, mais… on ne vous croit pas.

Alors que les étrangers aident rarement des gens qui sont dans le besoin, y’a personne qui soit AUSSI soucieux des gros(ses). Surtout sur Twitter. Et particulièrement chez les titulaires de comptes avec une photo de profil générique / anonyme… qui courent les hashtags anti-grossophobie pour harceler et se foutre des gens qui utilisent ces hashtags.

Arrêtez de camoufler votre dégoût pour les silhouettes corpulentes sous de faux prétextes. Vous n’aimez pas les gros corps ? C’est une question DE NATURE ESTHÉTIQUE et qui relève de l’opinion. Et ce n’est définitivement pas une question de santé.

Donc désolée, mais on ne vous croit pas quand vous dites vous en faire pour notre santé. C’est de la bullsh*t, votre belle – et fausse – pseudo-inquiétude.

Si vous voulez vraiment faire quelque chose pour notre santé, vous pourriez, euh, je sais pas… nous foutre la paix ? Parce que visiblement, notre SANTÉ MENTALE, vous n’en avez rien à cirer.

En passant : quand vous passez des heures à visionner des vidéos de gros sur YouTube afin de compiler votre top 10 des « fails » des gros, vous nous perdez là… Qui passerait des heures sur quelque chose qui le répugne… à moins que… ça ne soit pas si répugnant ? Vous êtes peut-être plus grossophile que vous ne le croyez, finalement…


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Sincèrement… l’ex-gros(se) qui sait tout.

  • « J’ai maigri. Tu devrais / pourrais le faire aussi. »

On se réjouit si tu es plus heureux(se) d’être plus mince. Voyez-vous, les gros, on n’a rien contre le bonheur des autres…

À moins que… Que t’aies maigri à cause du fat-shaming. Là, ça m’attriste un peu. Parce que ça implique que quelqu’un, quelque part, a réussi à te faire croire que tu aurais plus de valeur comme personne si tu étais plus mince. Et ça, c’est dommage. Je suis convaincue que tu avais le même potentiel et la même bonté quand tu étais dodu(e).

Et plusieurs d’entre nous sommes passés par là. Moi la première. J’ai PAYÉ (beaucoup trop d’ailleurs) pour faire Weight Watchers, il y a une dizaine d’années ! Devinez quoi ? Ç’a marché…  tant et aussi longtemps que j’ai pesé et mesuré mes portions de façon quasi-obsessionnelle ! Et c’est là que j’ai réalisé que je ne pouvais pas passer ma vie à faire ça. Et clairement, je ne suis pas la seule qui croit ça. Vivre dans un état constant de paranoïa sur ce qui est permis et ne l’est pas, dans une arithmétique calorique perpétuelle…?

Et ça s’applique aussi à dépenser des petites fortunes pour recevoir à la maison des repas diètes à chaque semaine. Ça n’est simplement pas une solution viable, dans la durée. Surtout pour une vie entière.

En fait, être constamment à la diète, ce n’est pas une situation qui peut durer pour toujours. Et il y a longtemps que l’industrie de la perte de poids a compris ça ! Si les cures en tous genres étaient aussi efficaces, les compagnies qui en vendent seraient régulièrement en faillite… Parce que si leurs diètes fonctionnaient, l’effet yo-yo n’existerait pas.

Et Oprah Winfrey ne ferait pas des MILLIONS avec la récente augmentation de la valeur des actions de WW.


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Respectueusement vôtre… mais c’est de votre faute.

  • « Vous n’avez aucune volonté / contrôle / détermination »
  • « Être gros(se), c’est un choix [et variations du genre]« 

En effet, je n’ai AUCUNE volonté. Aucune volonté de me faire laver le cerveau par les messages actuels. Ces messages et images qui jugent et valorisent les individus quasi-uniquement sur les dimensions de leur corps. Sur leur taille de jeans ou la grandeur de leurs robes. Déterminer la valeur d’une personne selon des critères purement physiques… Peut-on être plus ridicule ? Ça frise la folie.

Il y a tant de grosses personnes qui ont essayé les milliers de diètes et d’entraînements miracles de ce monde… Ça démontre une grande force de caractère, vous ne trouvez pas ? S’embarquer dans un plan voué à l’échec. Et le faire. Et le refaire… sans succès. Mais vouloir y croire quand même… c’est pas de la détermination, ça ?

Sortir de chez soi, être dans l’espace public, pour beaucoup, est un acte de bravoure. Parce qu’il y a des grossophobes un peu partout. Et quand on atteint une certaine taille, nos corps deviennent souvent des sujets publics de conversation. Comment peut-on accuser des personnes qui s’exposent à des railleries publiques de manquer de volonté ?

On est plusieurs à avoir choisi de ne pas s’embarquer dans le train fou de l’obsession de la minceur… Mais attendez… Vous n’y voyez pas un signe d’un self-control immense ? Ne pas céder sous le matraquage perpétuel des « standards » de beauté qui ont cours en ce moment ?

Et comme le dit l’exquise blogueuse derrière Dix Octobre :
« Même si je m’injecte du gâteau, il faut quand même que tu me traites comme un humain. »

Et, qu’on se le dise : l’obésité n’est pas un choix. C’est un résultat. Une conséquence. Oui, ça implique NOTAMMENT la consommation d’aliments. Mais c’est BEAUCOUP PLUS COMPLEXE que ça. C’est le fruit de facteurs économiques, génétiques, sociaux, etc. complexes et variés.

(Je vous invite d’ailleurs à consulter cette page du Regroupement canadien en obésité / Canadian Obesity Network, une organisation qui a un comité scientifique digne de ce nom, afin d’en savoir plus.)


Sincères remerciements… mais surtout ne remarquez pas que je raconte n’importe quoi.

  • « T’es gros / grosse. »
  • « Tu ne dois pas être en bonne santé. »

J’ai préparé cette réplique, il y a plusieurs mois, au commentaire « t’es grosse ». Je crois que c’est toujours très approprié :

backpackeuse taille plus fat-shaming twitter je sais que je suis grosse

Est-ce qu’on vous a dit que vous devez vraiment avoir des talents extraordinaires ? Ça prend ça pour être capable de me diagnostiquer… EN REGARDANT MA PHOTO. Mais quelles aptitudes ! Même mon médecin, qui a fait des études universitaires pour le devenir, doit encore m’envoyer pour des prises de sang et prendre ma pression pour savoir mon état…

Et puis, même si vous étiez VRAIMENT un médecin, entends-nous… On ne peut poser un diagnostic ou évaluer l’état de santé réel d’une personne en se basant sur une photo. Même en la voyant dans la vraie vie en fait.


Salutations distinguées… mais vous voulez rendre tout le monde gros.

backpackeuse taille plus fat-shaming pas une secte qui recrute

  • « Arrêtez de faire la promotion de l’obésité. »
  • « Vous sabotez les efforts des gens qui ont perdu du poids« 

On ne promeut absolument rien.

Mais juste pour qu’on soit sur la même longueur d’onde…

L’obésité et le fat-acceptance ne sont pas des sectes en période de recrutement ! On n’essaie pas de grossir (!!!) nos rangs ! De toute façon, avec tout ce fat-shaming, on s’entend que ça ne serait pas facile de convaincre quelqu’un de volontairement engraisser. Il y a des gens qui ont compris qu’être gros(se) dans un monde fou de minceur, c’est… lourd.

En fait, s’il y a une chose qu’on encourage, c’est… le respect. On aspire à être traité justement, de façon égale, peu importe notre taille ou notre poids.

Bon sang, si on atteint même le fat-tolerance, ce serait un bon début.

Le fat-shaming n’est pas – et ne sera jamais – un acte de gentillesse

Le fat-shaming et la grossophobie demeurent cependant des préoccupations de premier plan pour nous, les gros(ses.) Car ces stigmatisations ont des effets bien réels dans nos existences.

Le fat-shaming et la grossophobie sont… mauvais pour notre santé. On nous ramène toujours les statistiques de morts prématurées liées au surpoids et à l’obésité, mais est-ce que quelqu’un a considéré ces facteurs, dans ces statistiques ?

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  • La grossophobie peut causer des diagnostics incorrects et nuire à l’obtention des bons soins de santé quand un médecin ne voit que le poids de son patient et blâme tout sur cet élément. La grossophobie médicale peut aussi amener des gens à éviter de consulter pour des problèmes de santé divers, causant des complications, voire des décès, autrement évitables.
  • Les personnes vivant constamment dans un contexte d’humiliation et/ou d’intimidation deviennent plus à risque de développer des conditions liées à la santé mentale (anxiété, dépression, suicide, etc.), des troubles alimentaires, de la dysmorphie corporelle, etc.
  • Les stéréotypes négatifs liés à la taille et au poids ont des conséquences sérieuses sur la carrière et le développement professionnel
  • Et il y en aurait encore tant, mais ce billet est déjà beaucoup plus long que prévu !

Les « non-gros(ses) » et les « ex-gros(ses) » se doivent de comprendre une chose, pourtant très simple.

Les personnes grosses ne sont pas toutes malheureuses ou insatisfaites de leur situation.

De nombreuses personnes obèses mènent une vie heureuse, excitante et qui les satisfait pleinement avec leur corps tel quel. Et sans problèmes de santé, liés ou non au poids. En fait, le fat-shaming est sans doute la source de perturbation la plus importante avec laquelle nous devons transiger.


Nous méritons les mêmes droits et le même respect que les autres.
Les mêmes opportunités. Sans exception.

Nous méritons d’avoir la paix, maintenant, tel(le)s que nous sommes.
Rien de plus. Mais, surtout… RIEN DE MOINS.




9 Commentaires

    • Bonjour Cynthia,
      Je ne suis pas certaine de comprendre le lien entre le vidéo et le billet…?
      Aussi, mon article ne se veut pas scientifique mais plutôt à portée sociale. Il veut démontrer que les « trolls » qui ne nous connaissent pas sur Internet et nous courent après pour nous faire la morale parce qu’on est gros en prétendant qu’ils agissent ainsi « pour notre santé »… eh bien, en fait, ils ne le font justement pas pour notre santé. Ces personnes agissent surtout ainsi pour nous faire ch… (tu devines le mot). Ou pour se donner une pseudo-bonne conscience. Ça s’appelle du « concern trolling » et c’est d’ailleurs expliqué dans le billet. Et pour certaines personnes (entre autres, mais pas exclusivement, des personnes pouvant vivre des troubles alimentaires ou une affection psychologique par exemple), non seulement, c’est inutile, mais ça peut même être dangereux/nocif.

      • Le lien : je préfère fat shaming que fat acceptance. Le billet est incitatif au fat acceptance. Voilà le lien. Et pourquoi prêter de mauvaises intentions aux gens sous prétexte de fat shaming? Quelles études révèlent que les gens qui veulent aider les autres pour leur santé le font pour une raison sombre et mystique de fat shaming? À quelle trouble psychologique étudié fait-on référence ici? À aucun. Et si ça te fait ch… de te faire mettre le nez dans ton caca, ben tu sais quoi faire d’autre qu’accuser les gens de fat shaming.

        • (Bien sûr que j’encourage les gens à accepter leur taille. Ce blogue s’appelle « La Backpackeuse taille plus » !)

          Je vous répondrai ceci : les gens qui veulent aider les autres ne le font pas sous forme d’intimidation, d’humiliation ou de faux prétextes (notamment celui de la santé).
          Si vous considérez que « l’action de se moquer ou d’humilier une personne jugée grosse ou en surpoids par l’expression de moqueries ou de critiques sur leur taille » est un geste de bienveillance… je m’arrêterai ici. Vos propos parlent d’eux-mêmes. Et démontrent que vous faites partie des « trolls anonymes », une des catégories de personnes présentées dans ce billet.
          Bye là!

  1. Sur facebook, je vois (dans un groupe de blogging) que quelqu’un t’a répondu qu’on peut se soucier sincèrement de la santé de quelqu’un qu’on perçoit en surpoids ou sous-poids… mais c’est une chose d’éprouver une inquiétude personnelle – fondée ou non – et une autre de l’exprimer sans se soucier réellement de la manière dont on l’exprime ! Je pense que la grossophobie, le fat shaming, font partie des discriminations les plus sous-estimées, et je crois aussi que j’ai mis plus de temps à me rendre compte du problème que pour les autres… Je plaide vraiment coupable là dessus, et j’essaie maintenant d’écouter et de lire au maximum les blogs, témoignages etc sur le sujet (notamment dans le contexte médical). Au plaisir de repasser par là, je vais parcourir ton blog !

    • Bravo. Pour avoir noté toutes ces nuances et pour avoir compris la complexité du propos.
      Bravo – et merci! – de faire preuve de sensibilité envers les gens que ça pourrait affecter. Et D’ÉCOUTER. (C’est si facile, mais ouf, y’en a pas beaucoup qui le font…!!!)
      Tout le monde a le droit à l’erreur… C’est la mauvaise foi que je condamne. Et ça, on le décèle vite quand on y fait face.
      Félicitations pour ta démarche, et n’hésite pas à me faire signe si tu as des questions ou des commentaires… ça me fera grand plaisir d’y donner suite! ♥
      Et surtout… Bienvenue dans notre communauté! 🙂

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