Lettre d’une grosse indignée à Mariana Mazza




Salut ma pitoune,

Je me permets de t’appeler « ma pitoune », parce que, comme tu sembles ne pas aimer les normes, dont certaines liées au respect et à la civilité. Je me suis dit que ma grande familiarité à ton égard, ça t’interpellerais.

J’pense qu’il faudrait qu’on se parle. De tes statuts Facebook. Pis de (ta) dissonance cognitive.


Tu te dis féministe. Tu te dis body positive. Bon move de PR, ça marche ça, comme buzzwords, ces temps-ci. Et ça t’as valu beaucoup de fans et de visibilité. Grand bien te fasse.

Sauf que ton statut Facebook d’hier sur la dame de 350 lbs et la sortie de secours de l’avion, là… T’as beau dire ce que tu voudras, mais c’était grossophobe. (En v’là un autre buzzword auquel tu peux t’associer, tiens ! Gâte-toi ma grande !) Juger de l’inaptitude de quelqu’un (dans ce cas-ci, l’inaptitude à aider les autres) en te basant sur sa grosseur, ben… c’est grossophobe, tout simplement.

 « Grosso », pour « gros » et « phobe » pour « phobie », soit une « aversion très vive pour quelqu’un ».
(Sérieux, ton statut transpirait l’aversion.)

Tu dis être « le genre de personne qui rie [sic] de mon poids et de mes caracteristiques [sic] ». C’est ben correct ça. Tant que tu parles de TOI. Et – je le souhaite – tant que c’est pas une façon de te détourner d’une grossophobie internalisée inassumée. Sauf que là, tu parlais de QUELQU’UN D’AUTRE. News flash : le fait que tu sois capable de rire de toi-même ne te donne pas le droit des rire des autres. C’est niaiseux d’même.


Et donc d’un seul coup, je t’annonce que tu viens de te faire virer par les mouvements féministe, de la diversité corporelle et du « fat acceptance ». Merci de ne plus utiliser ces mots pour créer le buzz autour de ta p’tite personne, OK ? T’es barrée. Barrée comme Sophie Durocher qui voudrait être dans le même voyage de groupe que moi, genre. (C’est drôle, la même Sophie a déjà exprimé son accord avec toi sur autre chose. Elle doit vraiment t’aimer ce matin en tous cas !)

Tu ne t’excuseras pas parce que tu « faisais une blague » ? Good. Tu me facilites la vie en étant aussi catégorique sur le fait que tu trouves ça socialement acceptable de rire des gros.

Tu as effacé ton statut car les commentaires « étaient démesurés » ? Good. Ça veut dire qu’il y a du monde qui commence à ne plus vouloir faire rire d’eux ! Et c’est peut-être un signe que justement, ça n’avait vraiment pas l’air d’une blague ou qu’au mieux, ta joke, elle n’était vraiment pas drôle ?

Tu songes à faire des conférences sur le courage et la confiance en soi ? Brillant ! Pour t’inspirer, pourquoi tu ne commences pas par demander aux gens qui ont besoin d’un courage et d’une confiance en eux supérieurs à la normale juste pour dealer avec le quotidien… tiens, les gros par exemple ! Parce que pour se faire basher sur les médias sociaux gratuitement comme tu l’as fait, ça en prend du courage. Imagine-toi donc que t’es pas la seule qui agit de même, sans réfléchir, mais surtout… SANS CONSÉQUENCE.

Tu es triste d’avoir perdu « la petite liberté qui te restait sur Internet » ? Si tu veux écrire des niaiseries sans jamais devoir rendre de compte, c’est pas sur ta page publique qu’il faut le faire, championne. Parce « ta p’tite liberté sur Internet », elle s’arrête là où commence la p’tite liberté des gens qui ne veulent plus faire rire d’eux. Qui sont à boutte que leur valeur humaine soit strictement basée sur leur grosseur.

Je t’invite à aller visiter la page Facebook de Sarah Robles. Une grosse athlète extraordinaire..Genre le gabarit que tu mentionnais dans ton statut. Et elle est championne du monde d’haltérophilie. Crois-moi, elle est la preuve vivante qu’il existe des grosses avec « de cal*ce de gros pipes », pour reprendre tes propres mots. Tout ce qu’il faut pour être tout ce qui est de plus apte à te sauver la vie si ton avion s’écrase. Es-tu rassurée maintenant ?


P.S. À toutes celles qui se disent « grosses assumées » parce qu’elles ont trouvé cette joke acceptable, normale, voire drôle…

S’assumer, ça veut dire « se considérer comme solidaire d’un état, d’une situation, d’un acte et en accepter les conséquences ». Et « solidaire », ça veut notamment dire « qui est ou s’estime lié à quelqu’un d’autre ou à un groupe par une responsabilité commune, des intérêts communs ». Faque si je comprends bien, votre intérêt commun c’est qu’on continue à faire rire de nous autres et qu’on se fasse marcher dessus comme des maudits paillassons… ? Si c’est ça, alors je ne veux pas être une « grosse assumée » avec vous autres. Appelez-moi désormais « la grosse indignée » !

Les conséquences normales d’être grosse, c’est de devoir acheter du linge plus grand. D’occuper un peu plus d’espace. Mais accepter de faire rire de soi uniquement pour notre poids et/ou donner raison à ceux qui le font, ou pire encore, rire d’une joke manifestement grossophobe, ce n’est pas « s’assumer ». C’est se laisser marcher dessus. Soyons donc « solidaires de notre état et de notre situation » plutôt que des spectateurs qui se font marcher dessus comme des paillassons et qui en redemandent.


Re P.S.

C’est classique. Tu écris un truc qui fait monter aux barricades et dès que les gens réagissent plus mal que bien… tu l’effaces. Tu gosses ensuite une réponse « Chu pas grossophobe / raciste / misogyne » et « j’ai mal à ma liberté d’expression » pour que tous tes fans invertébrés (lapsus volontaire) débarquent et te praise. Pour qu’ils  viennent te réconforter. Et te dire que « le monde est jaloux de ton succès, écoute-les pas ».

Salvail l’a fait.
Rozon l’a fait.
Et maintenant, tu l’as fait.

Bravo, tu as réussi la 1ère leçon de « Gestion de « crise » sur les réseaux sociaux 101″.


Toutes les définitions incluses dans ce billet sont tirées du dictionnaire Larousse.
Faque, avis aux haters : essayez même pas de jouer sur les mots. Ça marchera même pas.
(Mouahahaha.)




6 Commentaires

  1. Ok, ceci est parfait. Tu es parfaite. Merci d’être cette personne qui se bat pour qu’on soit considéréEs comme, tsé, des humains qui ont le droit de faire ce que tous les autres font, vivre comment bon nous le semble, sans se faire juger. Qu’a-t-on fait de si épouvantables pour être traité avec autant de dégoût? Sérieusement, les commentaires de gens grossophobes sur son statut de «pas mea culpa» sont violents en esti. Pis tu as trouvé chaque mot, chaque argument nécessaires pour lui faire comprendre, à elle et aux autres, que non, on ne mérite pas ce traitement là et que oui, on est écoeuréEs, esti. On se laissera pu faire..

    Merci tant tout plein. Ce que tu fais est fucking important et apprécié vraiment beaucoup beaucoup.

    Une grosse <3

    • Merci Stephanie. Ton commentaire est… parfait pour mon coeur de blogueuse! ♥ Merci d’être là, parce que se battre toute seule et pour personne, c’est pas génial. Merci de ton soutien. Ça me touche beaucoup! 🙂

  2. Pour une humoriste, c’est quand même navrant de faire une blague aussi facile que le font les enfants de 6 ans. Je l’appréciais et je pensais qu’elle était capable de nous offrir un humour « travaillé », ce qui n’est manifestement pas le cas. Ou ça traduit un besoin à tout prix d’être remarquée dans un party, peu importe ce qui sort! Bref, grande déception mais aussi, grande appréciation du commentaire que tu lui as fait.

    • Merci de ton commentaire!
      Pas sûre que Mariana l’a aimé, mon billet, car elle m’a envoyée promener sur Twitter ! Et plusieurs de ses fans m’ont offert le « t’as pas confiance en toi / aime-toi toi même / c’était juste une joke » aussi… J’ai trouvé ça décevant qu’une fille qui se disait elle-même contre les « beach bodies » et pro-diversité corporelle fasse une joke aussi cheap. Mais bon, c’est là qu’on voit ce qui est « pour les apparences » vs. « les vraies couleurs », j’imagine…!

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