J’ai eu la chance d’échanger quelques courriels avec M. Gabor Lukacs, un mathématicien de 33 ans d’Halifax (Nouvelle-Écosse) qui a intenté plusieurs recours devant les tribunaux contre des compagnies aériennes. Certaines de ces actions touchent les droits des passagers en surpoids qui prennent l’avion.
Bien qu’il soit grandement sollicité par de nombreux médias – on l’a vu dans plusieurs médias d’envergure dont La Presse et Radio-Canada – il a accepté de répondre à quelques questions pour les personnes qui suivent ce blogue !
Comment êtes-vous devenu un ardent défenseur des droits des passagers aériens en général, et des passagers aériens en surpoids en particulier ? Comment un brillant mathématicien de taille « standard » se retrouve dans une bataille juridique contre une importante compagnie aérienne pour que les droits des personnes taille plus soient respectés ?
C’est après un processus plutôt long que j’ai décidé de défendre les droits des passagers aériens, et non pas après une décision prise sur un coup de tête. Ce processus a débuté en 2004, lorsque j’ai raté mon vol de correspondance entre Francfort et Bremen, causé par le retard de mon vol au départ d’Halifax. Je devais voler d’Hamburg à Budapest le lendemain, et j’étais plutôt inquiet. C’est là que j’ai commencé à lire sur mes droits comme passager. Et c’est ainsi que je suis tombé pour la première fois sur la Convention de Montréal et sur les règles 261/2004 de l’Union européenne.
Au cours de l’été 2005, j’ai été retardé de plus d’une journée en route vers un colloque. J’ai réalisé que ce retard était causé par le fait que le système d’atterissage aux instruments (ILS) d’Halifax n’était pas en fonction à cause de réparation sur la poste d’atterrissage, et pour cette raison, les avions ne pouvaient atterrir en période de brouillard. Continental était au courant de la situation, mais la compagnie m’a tout de même vendu un billet. J’étais outré, et je les ai poursuivi à la Cour des petites créances , qui m’a donné raison, car la compagnie n’avait pas dépêché d’avocat pour les représenter et contester ma réclamation. Une fois le jugement rendu, Continental a tenté de le contourner, ce qui fut empêché par la cour.
En 2007, je devais voler de Winnipeg pour un atelier d’un jour. L’appareil d’United s’est abîmé et, bien qu’un siège était disponible sur un vol de Northwest le même jour, les agents d’United ne m’ont pas réassigné à ce vol. Résultat ? J’ai raté l’atelier. Pour ajouter l’insulte à l’injure, les agents d’United ont tenté de se débarrasser de moi en appelant la sécurité aéroportuaire. L’incident résultat en un procès d’un jour et demi au terme duquel le juge de la Cour du banc de la Reine du Manitoba a établi que l’agent d’United avait menti.
Ce fut ma première expérience dans un tribunal supérieur canadien. J’étais terrifié à l’idée de ne pas être pris au sérieux car je me représentais moi-même, mais la juge Duval m’a considéré avec le plus grand respect et a tout mis en oeuvre pour que le procès soit impartial. Elle a même averti l’avocat d’United qui tentait de tirer parti du fait que je me représentais moi-même.
Ces cas étaient basés sur mes expériences personnes et furent autant de révélations pour moi : j’ai alors réalisé le peu de droit des passagers au Canada et à quel point les compagnies aériennes ne tiennent pas compte de nos droits.
À la fin de l’été 2008, j’ai pris l’avion pour revenir d’Europe. À l’époque, Air Canada affichait des grandes enseignes avisant les passagers que la compagnie n’était pas responsable des dommages aux poignées, roues, fermeture éclair, etc. Dans les faits, la compagnie refuserait la responsabilité de presque tous les types de dommage. Je me suis alors rappelé un article de la CBC au sujet d’une agence canadienne qui avait ordonné à Air Canada de dédommager les passagers. Après plusieurs jours de recherche sur Internet, j’ai retrouvé l’article; c’est là que j’ai entendu parler pour la première fois de l’Office des transports du Canada. Je leur ai envoyé une courte remarque au sujet des enseignes d’Air Canada et de leurs pratiques contraires à la Convention de Montréal. Neuf mois et plusieurs envois plus tard, j’ai gagné ma cause.
C’est la première fois où j’ai pu remédier à un problème systémique et qui affectait tout le monde et pas seulement moi. C’est ce qui m’a mené à prendre action contre d’autres compagnies aériennes et à m’attaquer à d’autres problèmes, notamment le montant versé aux passagers à qui on refuse l’embarquement.
En 2014, après avoir lu un article en hébreu du Haaretz au sujet d’un passager ayant reçu une réponse inhabituelle de Delta suite à une plainte, j’ai pris contact avec ce passager qui a accepté de me faire suivre une copie de la réponse reçue. Je l’ai acheminée à l’Office des transports, accompagné d’une plainte, car cette situation me semblait anormale. J’ai été choqué quand l’Office a répondu par des considérations techniques devant un cas de traitement cruel et inhumain.
Vous avez gagné 24 cas sur 27, un taux de réussite plutôt impressionnant; parmi ces cas, quels sont ceux dont vous êtes le plus fier ?
En fait, c’est 25 sur 29, si je compte bien, mais je crois avoir perdu le fil il y a un moment. Parmi mes victoires, je suis particulièrement fier de celles-ci :
1) La première, concernant le devoir d’Air Canada d’indemniser les passagers dans les cas de bagage endommagé. J’étais inexpérimenté à l’époque et je m’élevais contre les avocats d’Air Canada, des gens qui avaient une expérience considérable. Non seulement cette cause m’a-t-elle fait connaître comme défenseur des droits des passagers, mais elle a aussi démontré aux Canadiens qu’ils ont des droits et que ceux-ci peuvent être imposé, si on se décide à confronter les compagnies aériennes.
2) Une décision de 2010 ordonnant WestJet à augmenter sa responsabilité de 250 $ à 1800 $ en cas de bagage retardé ou endommagé. West Jet a tenté d’en appeler à la Cour d’appel, mais l’appel a été refusé. C’était la première fois que je présentais une cause devant la Cour d’appel fédérale.
3) Une décision de 2013 forçant Air Canada à augmenter de 100 $ à 800 $ l’indemnité versée en cas de refus d’embarquement. Dans cette cause, j’ai fait appel à des statistiques pour remettre en cause la crédibilité et la fiabilité des données fournies par Air Canada. Un cas intéressant qui combinait mon expérience de défenseur des droits des passagers aériens et ma formation de mathématicien.
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Pour en savoir plus sur le travail de M. Lukacs…
Air Passenger Rights – http://airpassengerrights.ca/
Twitter : @AirPassRightsCA
Facebook : facebook.com/AirPassengerRights
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